Le Bikut Si, une danse rythmique énergique, tire son origine de la créativité ingénieuse des femmes Beti Be Nanga, notamment de l’éwondo, où “Bia kut si” se traduit par “nous frappons le sol”. Historiquement, ces femmes, tenues de rester silencieuses en présence de dignitaires, ont trouvé dans le Bikut Si un moyen de s’exprimer.
Les règles strictes interdisaient aux femmes Beti Be Nanga de participer à des discussions ou de s’impliquer dans des querelles. Les bagarres étaient formellement proscrites. Face à cette répression, comment les femmes ont-elles canalisé leurs émotions refoulées ?
Les jours de marché devenaient l’arène de leur expression. Après leurs activités commerciales, sur le chemin du retour, elles formaient un cercle. Toute femme avec des griefs ou des frustrations pouvait prendre la parole au milieu du cercle, exprimant son mécontentement sous forme de monologues chantants, accompagnée de gestes rythmiques. Le cercle répondait en chœur, claquant des mains et trépignant. Chacune attendait son tour.
Ces cercles offraient aux femmes un espace de réunion déguisé, où elles projetaient leurs frustrations et recevaient des conseils sans attirer l’attention des hommes. Les réunions entre femmes étaient strictement interdites, sous peine d’accusations de conspiration. L’histoire raconte que toute femme ainsi accusée risquait d’être enterrée vivante avec son mari, considérée comme responsable de sa mort.
Marthe Mbili Ntomo, qui a recueilli ces témoignages de ses parents, décrit ces cercles comme des occasions où les femmes composaient des morceaux cohérents pour leurs danses trépidantes. Ces cercles offraient un moyen aux femmes de s’unir, de partager leurs peines et de recevoir des conseils en chansons.
Ainsi, danser en frappant le sol avec les pieds a donné son nom au Bikut Si, un rythme devenu la propriété intellectuelle des Betis.