Cameroun – Maroua : Instrumentalisation de l’Enfance et Crise de la Démocratie Participative

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Maroua, chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord, est devenue ce 9 mai 2025 le théâtre d’une mobilisation politique controversée. Une marche annoncée comme « historique », censée rassembler 100 000 jeunes en soutien à une candidature politique, a viré à la controverse nationale, ternie par l’implication massive d’enfants mineurs. Des images choquantes d’enfants en bas âge, arborant pancartes et slogans politiques, ont jeté une lumière crue sur une pratique jugée déshonorante et illégale par les défenseurs des droits de l’enfant.

Une mobilisation fragilisée, des méthodes dénoncées

L’échec apparent de la mobilisation de jeunes majeurs a conduit, selon plusieurs témoignages, à l’implication de mineurs recrutés à la hâte, parfois contre des promesses de paiements non tenues. Ezekiel Koné, jeune originaire de la région, a dénoncé une « mascarade » politique : des enfants de 5 à 15 ans auraient été retirés de leurs écoles ou trouvés dans les rues, attirés par des gadgets et de maigres compensations financières. Des propos qui font écho à des préoccupations croissantes sur l’exploitation politique des plus vulnérables.

Silence politique et désapprobation implicite

Le désintérêt des élites politiques locales — dont le ministre Manaouda Malachie, le Lamido de Maroua, ou encore plusieurs députés et maires — pour cette marche soulève des interrogations. Leur absence pourrait suggérer un malaise ou un refus tacite de cautionner l’instrumentalisation des enfants, en contradiction flagrante avec l’éthique républicaine et les textes légaux en vigueur.

Violation manifeste des droits de l’enfant

La Convention internationale relative aux droits de l’enfant, que le Cameroun a ratifiée, énonce clairement dans son article 3 que l’« intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». L’article 28 consacre quant à lui le droit à l’éducation, compromis ici par des pratiques de mobilisation hors du cadre scolaire. Ce détournement de la mission éducative pour des finalités politiques constitue une dérive inquiétante aux yeux des observateurs et juristes spécialisés.

L’urgence d’un sursaut éthique et démocratique

Le recours à des enfants à des fins politiques n’est pas seulement condamnable d’un point de vue moral : il engage la responsabilité des organisateurs sur le plan légal. En utilisant des mineurs comme remparts à un échec politique annoncé, certains acteurs révèlent une conception dévoyée de la démocratie, vidée de son essence participative et respectueuse des droits fondamentaux.

Face à cette dérive, la société civile, les ONG de protection de l’enfance et les leaders communautaires doivent exiger des enquêtes transparentes et des sanctions appropriées. La banalisation de l’instrumentalisation de l’enfance ouvre la voie à des pratiques contraires aux normes internationales et à la construction d’un avenir démocratique sain pour le Cameroun.

La jeunesse se lève : un espoir pour l’éthique politique

Les jeunes de l’Extrême-Nord, dont la voix s’élève désormais contre la manipulation, incarnent une rupture salutaire. Leur rejet des pratiques de propagande vide de sens marque un tournant : la nouvelle génération camerounaise ne veut plus être un outil, mais un acteur du changement. Il est temps d’écouter cette voix.