Apouh à Ngog : Entre Développement et Démographie Galopante, la Question Vitale de l’Espace Foncier

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La localité d’Apouh à Ngog, nichée au cœur de l’arrondissement d’Édéa 1er dans le département de la Sanaga-Maritime ,région du Littoral au Cameroun, est le théâtre d’une équation complexe où les initiatives de développement durable portées par la Société Camerounaise des Palmerais (Socapalm) se heurtent à une problématique foncière pressante, exacerbée par une démographie en pleine expansion. Une récente visite des journalistes sur les sites des réalisations de la Socapalm a mis en lumière les efforts déployés par l’agro-industrielle pour améliorer le quotidien des riverains, tout en soulignant la tension palpable autour de l’accès à la terre.

L’engagement de la Socapalm sur le terrain est indéniable. En témoigne la construction des  forages(trois au total) aux localités telles que  Koutaba ( village Apouh), Déhané- Edéa 1er du canton Yassoukou ainsi la réhabilitation de plusieurs infrastructures de santé et établissements scolaires,l’installation des plaques solaires pour faciliter l’administration des soins de santé au Centre  de santé locale, à hauteur de plusieurs dizaines de millions de francs cfa,des ouvrages pensés pour bénéficier à l’ensemble de la communauté. Ces  initiatives répondent  aux besoin exprimés par les riverains en 2022, qui souhaitaient également la construction d’un hangar servant d’abri et de lieu de commerce. Sur ce même site, la gare routière d’Apouh, fruit d’un partenariat entre la Socapalm et la commune d’Édéa 1er, facilite les déplacements et dynamise l’activité économique locale. « La Socapalm, soucieuse du bien-être de la population d’Apouh à Ngog, a mis à leur disposition cette infrastructure », a-t-il été souligné lors de la présentation.

À quelques encablures, au lieudit V2BS, se dresse un camp de logements sociaux destiné aux employés contractuels de la Socapalm. Ces constructions en matériaux définitifs, allant de studios pour les travailleurs saisonniers à des appartements de deux chambres-salon, marquent une amélioration significative des conditions de vie pour une main-d’œuvre venue des quatre coins du Cameroun. Nguti Palus, contractuel originaire du Ndonga Mentchum dans la région du Nord-Ouest du pays se souvient de l’époque des habitations provisoires et reconnaît les efforts de modernisation entrepris par la Socapalm, notamment en matière de prise en charge médicale, bien que celle-ci semble connaître des limites lorsque la maladie s’aggrave. L’investissement de la Socapalm dans le capital humain de la région se manifeste également par son soutien aux établissements scolaires. Avant l’arrivée du «paquet minimum» gouvernemental, l’entreprise agro-industrielle s’engage dans la réhabilitation des infrastructures et assure le transport des élèves. Cette contribution à l’éducation souligne une volonté d’ancrage et de participation au développement social des communautés environnantes.

Par ailleurs, la Socapalm met en avant une politique de dialogue inclusif, avec l’organisation de rencontres tripartites visant à aplanir les différends et à instaurer une communication transparente avec les riverains. Cette approche collaborative est essentielle dans un contexte où les enjeux fonciers sont particulièrement sensibles.

Le village voisin de Déhané illustre davantage l’étendue de l’action sociale de la Socapalm. Le Centre de Santé local, bien que fruit d’une initiative présidentielle, bénéficie du soutien constant de l’entreprise en termes de dons de médicaments et d’équipements. Madame Dickenge Elizabeth Caroline, chef du centre de santé, témoigne de l’impact positif de ces dons, tout en soulevant la question du recouvrement des frais de soins auprès des employés contractuels. L’implication de la Socapalm s’étend également à l’éducation, avec la prise en charge des salaires des enseignants vacataires et la réfection d’infrastructures scolaires endommagées. L’entretien de la route Ferme Suisse-Déhané et le financement des festivités locales sont d’autres exemples concrets de la contribution de l’entreprise au bien-être de la communauté.

Cependant, derrière ces initiatives louables se profile une ombre grandissante : la question de l’espace vital. Sa Majesté Jean-Marie Minkangue, chef du village de Déhané, exprime avec une clarté poignante l’inquiétude des populations face à l’expansion des plantations de la Socapalm qui encerclent leurs habitations. « Vous avez fait la route tout heure, ferme Suisse Déhané et vous avez vu jusqu’où les plantations de la Socapalm s’arrêtent, juste derrière les maisons, derrière l’hôpital. Alors la démographie est galopante. Les enfants d’ici cinq à dix ans iront où ? Nous sommes encerclés du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest et de l’autre côté c’est le Nyon. Je ne peux pas faire un mètre carré de plantation ici. » Cette situation d’encerclement prive les communautés de terres arabes essentielles à leur subsistance et à l’avenir de leurs enfants.

 Le contraste est saisissant avec d’autres villages où des planteurs villageois coexistent avec les activités de la Socapalm. Face à cette impasse, la chefferie de Déhané a privilégié la voie de la négociation directe avec la Socapalm, suivant les conseils du préfet. Des démarches ont même été entreprises auprès du ministère compétent et de la présidence de la République, dans l’attente d’une solution.

Sa Majesté Minkangue reconnaît le rôle économique crucial de la Socapalm dans la région, soulignant que la présence de l’entreprise crée des emplois et dynamise le commerce local. « C’est parce que les entreprises de la Socapalm sont là que la petite femme qui vend le poisson braisé existe, parce qu’il y a des salaires qui sont versés et ça crée un mouvement économique. Les gens doivent évaluer les avantages et les inconvénients. Au lieu de dire que non, tuons la Socapalm. Nous attendons ce que le gouvernement va dire par rapport à la rétrocession de notre espace vital. »

La position de l’autorité administrative, bien que non explicitement détaillée dans les propos recueillis, semble encourager le dialogue et la recherche d’une solution négociée. La saisine des instances supérieures de l’État témoigne de la complexité et de l’importance de ce dossier foncier.

Le conflit latent entre la Socapalm et les riverains d’Apouh à Ngog et de Déhané met en lumière un défi majeur du développement agro-industriel en Afrique : concilier les impératifs économiques avec les besoins et les droits des communautés locales. Si les initiatives de développement durable de la Socapalm sont des avancées notables, la question de l’accès à la terre demeure une préoccupation centrale pour les populations dont la survie et l’avenir sont intrinsèquement liés à cet espace vital. La résolution de ce conflit passera inévitablement par une écoute attentive des doléances des riverains, une analyse rigoureuse de l’impact démographique et une volonté politique forte de trouver un équilibre juste et durable pour toutes les parties prenantes. L’attente est désormais tournée vers les décisions des autorités compétentes, qui devront arbitrer entre les intérêts économiques d’une entreprise majeure et les aspirations légitimes de communautés en quête de leur espace vital.