Une communauté face à l’expropriation silencieuse
À Apouh, village de l’arrondissement d’Édéa 1er (Sanaga Maritime), la tension est constante. L’expansion de la Société Camerounaise de Palmeraies (Socapalm) plonge les habitants dans une détresse croissante. Monsieur Etamane Janvier, père de onze enfants, résume la situation : « Au quotidien, c’est de la bagarre ». Les villageois, désarmés, se retrouvent face à des forces de l’ordre déployées pour protéger les plantations de la multinationale. Chaque tentative de revendication pacifique est violemment réprimée.

Une vie encerclée, un avenir bloqué
Le conflit repose sur un enjeu vital : la terre. Avec une croissance démographique soutenue, les habitants d’Apouh ont besoin de terres pour survivre. Mais celles-ci sont peu à peu rendues inaccessibles. Des tranchées barrent l’accès aux plantations, certaines situées à plus de 17 kilomètres. Les conséquences sont alarmantes : insécurité alimentaire, coupure de l’accès à l’eau potable, angoisse quotidienne.
Malgré l’instruction du ministère des Domaines pour reconstituer les limites foncières et redistribuer les terres excédentaires aux populations, aucune action concrète n’a suivi. Les autorités locales sont accusées d’ignorer les directives centrales, laissant les habitants dans l’impasse.
Dialogue rompu et mépris affiché
Les négociations avec la Socapalm ont échoué. La communauté dénonce une exploitation illégale de 874 hectares depuis 2009. Un rapport du ministère l’a confirmé, mais l’entreprise n’a toujours pas initié de démarche de régularisation ni pris en compte les revendications locales.
Pire encore, une proposition de compensation jugée dérisoire — trois forages et 1000 plants de palmiers — a été présentée en échange de l’abandon de toute contestation. Un affront, selon les habitants, qui demandent simplement la reconnaissance de leurs droits.
Un cri d’alarme pour un avenir digne
« Nous sommes psychologiquement atteints », déclare Monsieur Etamane, soulignant la misère grandissante. Les villageois se sentent abandonnés, « orphelins dans leur propre pays ». Leur espoir repose désormais sur une intervention urgente des autorités centrales pour faire respecter la loi.
Les populations d’Apouh ne rejettent pas la présence de la Socapalm. Elles souhaitent une coexistence pacifique, fondée sur le respect mutuel, la justice et le partage équitable des retombées économiques. « Le développement ne doit pas se faire en tuant ceux qu’il est censé aider », conclut Monsieur Etamane.