Au Cameroun, des milliers d’enfants vivent quotidiennement avec la drépanocytose, une maladie génétique grave mais évitable. Toutefois, cette affection reste largement ignorée par les autorités sanitaires et incomprise par la population. Contrairement aux malades du Sida, qui bénéficient de nombreux programmes publics de soutien, les Drépanocytaires se retrouvent souvent abandonnés, stigmatisés, et victimes de croyances archaïques.
Une Situation Inquiétante
La drépanocytose est la première maladie génétique au monde. Selon des études récentes, jusqu’à 2% des nouveau-nés au Cameroun sont atteints, et environ 25 à 30% de la population porte les gènes responsables de la maladie. Malgré cette prévalence élevée, la prise en charge des patients reste marginale. Les familles font face à des coûts exorbitants pour les soins, incluant des frais d’hospitalisation et des médicaments coûteux, sans véritable soutien financier de l’État.
Des Enfants Stigmatisés et Abandonnés
Pour de nombreuses familles, avoir un enfant Drépanocytaire est perçu comme une malédiction. Ces enfants, parfois qualifiés de “sorciers” ou “enfants serpents,” sont rejetés, voire abandonnés. Certaines croyances traditionnelles les condamnent à être laissés au bord des rivières, considérés comme des enfants de l’eau. Leurs parents, souvent désemparés, tentent tant bien que mal de subvenir à leurs besoins dans un contexte de précarité.
Une Prise en Charge Possible
Malgré ce tableau sombre, des voix s’élèvent pour rappeler qu’une prise en charge adaptée des patients est non seulement possible, mais nécessaire. Emerence Alima, mère d’un jeune Drépanocytaire de 7 ans, témoigne : « Ce n’est pas facile d’accepter que votre enfant soit atteint de drépanocytose. Les traitements sont coûteux, mais heureusement, des initiatives comme la Fondation Recover nous viennent en aide avec des médicaments essentiels comme l’acide folique et des antibiotiques. » Elle plaide pour que l’État subventionne ces soins pour alléger le fardeau des familles.
La Lutte Contre la Stigmatisation
La Fondation Recover, qui s’engage dans la lutte contre la drépanocytose, milite pour la sensibilisation et la prise en charge des Drépanocytaires. Selon Émilie Ngono, représentante de la fondation, « Beaucoup de gens ne connaissent pas la maladie et prennent ces enfants pour des sorciers, ce qui entraîne une forte stigmatisation. » La fondation multiplie les actions pour éduquer la population et réduire les préjugés qui entourent cette maladie.
Sensibilisation à Travers des Séminaires
Dans le cadre de cette lutte, un séminaire a récemment été organisé à la Fondation Muna à Yaoundé, visant à sensibiliser et améliorer la prise en charge des Drépanocytaires. Ce séminaire, qui a réuni des spécialistes comme le Pr. Ngo Sack Françoise, biologiste et médecin hématologue à l’hôpital central de Yaoundé, a permis de faire le point sur les avancées et les défis à relever. Les participants ont insisté sur la nécessité de renforcer le dépistage, en particulier chez les jeunes couples avant le mariage, pour réduire les cas de transmission.
Le Rôle des Autorités Sanitaires
Le séminaire a également souligné l’urgence d’une action concertée entre les acteurs publics et privés. Émilie Ngono a rappelé que « La Fondation Recover, seule, ne peut pas résoudre ce problème d’envergure. Il est indispensable que les pouvoirs publics s’impliquent davantage, notamment en subventionnant les traitements et en facilitant l’accès aux soins. »
L’Importance du Soutien des Associations
Les associations jouent un rôle crucial dans l’accompagnement des familles et la sensibilisation de la société. Le témoignage de Sandrine Nguélé, infirmière et elle-même atteinte de drépanocytose, est poignant : « J’ai grandi avec cette maladie, et je sais combien il est difficile de vivre dans une société qui ne comprend pas votre condition. Mais grâce au soutien des associations, je suis capable de mener une vie normale et d’aider d’autres patients à faire de même. »
Un Appel Urgent à l’Action
Les participants au séminaire ont lancé un appel pressant aux autorités camerounaises pour qu’elles prennent des mesures concrètes en faveur des Drépanocytaires. La subvention des médicaments et des frais d’hospitalisation est une nécessité absolue pour offrir à ces enfants la possibilité de vivre une vie décente. De plus, la lutte contre la stigmatisation doit se poursuivre à travers des campagnes de sensibilisation et des programmes éducatifs.
La vie de ces enfants ne doit pas être laissée au hasard. Il est temps pour le Cameroun de reconnaître l’ampleur de la drépanocytose et de se mobiliser pour offrir à ces jeunes un avenir meilleur.