Cameroun : La fermeture de dizaines d’églises de réveil à Yaoundé suscite la controverse

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Yaoundé, 18 mars 2025 – Depuis deux semaines, les autorités camerounaises ont procédé à la fermeture de plusieurs dizaines d’églises de réveil à Yaoundé. Cette décision, justifiée par l’absence d’autorisation légale et les nuisances sonores générées par ces lieux de culte, divise l’opinion publique et relance le débat sur la liberté religieuse au Cameroun.


Des églises fermées sans préavis

Les pasteurs et leurs fidèles sont sous le choc. Didier Ahanda, un révérend bien connu dans le quartier Mimboman, a vu son église scellée sans avertissement.

“Je suis sorti de l’église et, à mon retour, j’ai vu qu’on est venu sceller l’église. Mon église est complètement fermée. Les chrétiens sont à la maison et moi-même, je suis à la maison”, témoigne-t-il avec amertume.

L’opération, menée principalement dans le 4ème arrondissement de Yaoundé, a déjà entraîné la fermeture d’environ 300 églises. Des milliers de fidèles se retrouvent ainsi privés de lieux de culte, et les pasteurs dénoncent une décision qu’ils jugent arbitraire et discriminatoire.

Des accusations de nuisances sonores et d’illégalité

Les autorités justifient cette vague de fermetures en affirmant que ces églises opèrent sans autorisation légale, en dehors de tout contrôle, et qu’elles troublent la quiétude des riverains par des cultes bruyants, souvent prolongés jusque tard dans la nuit.

“Ces établissements ne respectent pas la réglementation en vigueur. Nombre d’entre eux sont installés dans des zones résidentielles et génèrent des nuisances pour les habitants”, explique un responsable administratif sous couvert d’anonymat.

Cependant, les pasteurs dénoncent une politique de deux poids, deux mesures. Delors Ango, évêque de la Native Église Baptiste du Cameroun, s’indigne :

“C’est très difficile de voir les gens écrire contre un bar auprès du sous-préfet, mais les gens écrivent contre les églises tous les jours. Pourquoi ? Or, le bar fait du bruit, l’église fait également du bruit. Mais pourquoi se plaignent-ils tant des églises ? Qu’on laisse un peu les pasteurs tranquilles.”

Une décision qui relance le débat sur la liberté de culte

La fermeture en masse de ces églises soulève des questions cruciales sur la relation entre l’État et les institutions religieuses au Cameroun. Si certaines églises de réveil sont souvent pointées du doigt pour leur gestion controversée et leur prolifération anarchique, cette répression soudaine est perçue par certains comme une atteinte à la liberté de culte, garantie par la Constitution camerounaise.

Des associations chrétiennes et des organisations de défense des droits de l’homme appellent les autorités à privilégier le dialogue plutôt qu’une fermeture systématique. Les leaders religieux demandent une régularisation encadrée des églises concernées, plutôt qu’une interdiction brutale de leurs activités.

Vers une régulation plus stricte des églises de réveil ?

Face à la polémique, le gouvernement pourrait renforcer les conditions d’ouverture et de fonctionnement des lieux de culte. Une réforme visant à mieux encadrer les églises de réveil est à l’étude, avec des critères plus stricts en matière d’implantation, d’acoustique et de régularisation administrative.

En attendant, des milliers de fidèles se retrouvent sans lieu de prière, et les pasteurs concernés espèrent un assouplissement des mesures ou la possibilité de régulariser leur situation.

Cette affaire met en lumière le fragile équilibre entre l’ordre public, la réglementation des cultes et la liberté religieuse dans un pays où le christianisme évangélique connaît une expansion rapide, avec une influence croissante dans la vie sociale et politique.