Plusieurs camerounais vivant en France, ont manifesté ce samedi 16 Avril 2022, à Paris, exprimant leur ras-le-bol contre le régime de Yaoundé, revendiquant la liberté d’expression. Ils exigent par ailleurs la libération de tous les prisonniers politiques, en réitérant leur soutien à la grève des enseignants. Une action qui suscite plusieurs réactions dans l’opinion publique camerounaise.
Il s’agit là d’une énième manifestation des camerounais de la diaspora. Ce samedi, un groupe de manifestants camerounais du pays d’Émanuel MACRON, s’est rassemblé pour exprimer leur ras-le-bol, contre le gouvernement de Yaoundé, en défendant la liberté d’expression au Cameroun. Leur message est clair : il faut libérer tous les prisonniers politiques, emprisonnés des suites des manifestations libres et non violentes. De plus, ils ont une fois de plus réaffirmé leur soutien dans la suite de la grève des enseignants, qui s’est étendue du 15 Février au 28 mars 2022, et suspendue pour un temps.
Deuxième manifestation en deux semaines
Cette manifestation se déroule une semaine après la précédente, où cette diaspora avait dénoncé les sanctions émises par le Conseil National de la Communication(CNC), contre la chaîne de télévision privée ÉQUINOXE TV. Sans oublier le décès du jeune militant du MRC(Mouvement de la Renaissance du Cameroun), Rodrigue NDAGUEHO, alors en détention à la Prison de New-Bell. Décès survenu des suite de choléra, le 07 avril dernier, qui aurait été la goûte d’eau de trop pour enflammer les manifestations.
La sanction en elle-même de la CNC a suspendu deux journalistes de la chaîne de télévision Équinoxe TV, et son émission “Droit de Réponse”, pour une durée d’un mois. « Les organisateurs des manifestations de Paris entendent dire « non au musèlement des médias au Cameroun » et « dénoncent les sanctions contre Équinoxe TV », selon le message véhiculé il y a une semaine lors des récentes manifestations. Mais aussi, par cette manifestation, la diaspora Camerounaise envoyait son soutien aux enseignants du primaire et du secondaire.
La liberté d’expression, un droit universel
L’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, énonce que: “Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit”. Si nous nous appuyons sur cet article 19, nous comprenons qu’au Cameroun, le respect de la liberté d’expression est obsolète ou inexistant. C’est pourquoi le rapport remis au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies par PEN International, Committee to Protect Journalists, et Internet Sans Frontières, du 15 Octobre 2012, avait conclu que “la liberté d’expression au Cameroun est en danger”. Ce rapport ressort aussi que le Cameroun est un « pays dans lequel être un écrivain ou journaliste, à la fois en ligne et hors ligne, est risqué », poursuit-il en pointant du doigt la violation de la liberté d’expression des journalistes et écrivains.
La liberté d’expression au Cameroun, englobe tout aussi la liberté d’association, et de manifestation libre par tout citoyen. Que ce soit par les manifestations publiques ou personnelles, via le métier du journalisme et d’écrivain. Tous ne doivent être inquiétés, ou privés, voire intimidés de ses pensées ou opinions.
Mais en suspendant deux journalistes d’équinoxe TV, la CNC a émis comme raisons, l’incitation à la violence, haine. Certes les médias se doivent de communiquer librement, mais ceci doit se faire dans la vérité et en temps de crise, éviter l’escalade en optant pour la résolution des conflits. “Les media dans le contexte camerounais emprunt de crises et conflits divers, doivent communiquer de façon à contribuer pour la paix, et non le contraire”, nous affirme un étudiant chercheur de l’Université Protestante d’Afrique Centrale. L’exemple historique phare en Afrique, fut en 1994, avec la radio mille collines, au Rwanda, principale cause du Génocide rwandais.
La façon de communiquer vaut également, pour le respect des institutions, mais rien ne peut justifier le non respect de la liberté d’expression.
L’opinion public réagit …sur la toile
Cette sortie de samedi 16 Avril 2022, n’a pas laissé l’opinion publique au Cameroun insensible. Certains sont pour et d’autres contre. Jean BIBOLÉ, commentant une publication en ligne sur cette manifestation de Paris, déclare : “Arrêtez de qualifier un groupuscule de contestataires du gouvernement camerounais comme étant la diaspora, tout le monde n’est pas concerné », réplique t-il. “Ce mot englobe l’ensemble des individus d’un pays qui vivent à l’étranger et ce n’est pas cet ensemble qui a manifesté”, poursuit-il en précisant qu’il ne s’agit pas de tous les Camerounais de la Diaspora, dans cette manifestation, mais plutôt d’un groupuscule.
Un autre internaute, réagit quant à lui en pointant du doigt les “Sardinards“, un stéréotype des membres du parti au pouvoir RDPC. “Pauvre sardinard que vaux-tu (sur tous les plans) face à ces gens qui manifestent ? la sardine est vraiment un poisson sans tête. On t’a lavé le cerveau avec l’huile de la sardine. Tu ne sais que manifester , défiler et chanter en tenue du RDPC en échange de quelques boîtes de ce que nous savons. Mais quand les autres manifestent tu viens exposer dans les réseaux sociaux ton sous éducation et ton ineptie” , s’indigne t-il.
Réaction des téléspectateurs d’Équinoxe TV
Dans les quartiers de Yaoundé, la population exprime sa déception totale sur la sanction d’Équinoxe TV et estime que ce n’est qu’une nouvelle manifestation de la dictature de l’État.”Sanctionner ou suspendre les journalistes d’Équinoxe TV n’est pas le problème, nous savons que cette chaîne expose les malversations du gouvernement. Et nous éclaire sur les faits que nous recherchons. Donc ça ne sert à rien, que l’émission Droit de Réponse revienne et les journalistes réintégrés dans leur fonction”, s’exprime un Camerounais à Yaoundé.
Suspendue provisoirement en attendant la réaction définitive de l’État, la grève des enseignants de l’enseignement Secondaire au Cameroun, n’est qu’en gestation d’après le mouvement OTS “On a Trop Supporté”: “Nous attendons les examens officiels pour boycotter si rien de plus n’est fait en rapport avec nos revendications”, précise un enseignant de Géographie, dans un lycée à Yaoundé.
Le respect de la Liberté d’expression au Cameroun, n’attend plus que la libération des prisonniers politiques, pour éviter un autre sang versé, comme celui du jeune Rodrigue NDAGUEHO, militant du MRC, décédé des suites de choléra, alors encore en détention à la Prison de New-Bell.