Le spectacle vécu ce matin du 16 mai par les populations de la ville de Yaoundé, le temps d’une marche, était tout sauf une réelle mobilisation des camerounais derrière l’expression « vivre ensemble » qui revient dans la plupart des débats médiatiques depuis un certain temps.
Il est à peine 7 heures et 45 minutes à la place de l’indépendance de Yaoundé. Des mélodies patriotiques et de rassemblement fièrement jouées par une fanfare dominent le vacarme des véhicules en cette heure de pointe dans la capitale politique du Cameroun. De mon taxi bloqué dans un bouchon causé par la marche, je peux déjà apercevoir une vingtaine d’hommes en tenue précéder le cortège qui, à tout croire, est long. Alors je décide de descendre du taxi, d’autant plus que mon lieu de service est tout proche. À l’avant du cortège, une grande banderole de laquelle on peut lire « Marche du vivre ensemble camerounais »mène le cortège. Me rapprochant d’avantage, je suis frappé par une image : la presque centaine de personnes gonflant le chiffre du cortège est essentiellement constituée d’élèves en tenue de classe. Une image que l’on voit ces dernières années du côté du stade Ahmadou Ahidjio lors de la finale de la coupe du Cameroun.
Une image qui renvoie comme pour le football camerounais, à la mauvaise marche des choses. Des élèves qui marchent alors que les populations regardent, se posant mille et une questions, comme ce compatriote se tenant juste à mes côtés : « À quoi joue notre gouvernement ? Donc pour montrer au monde entier que nous militons pour le vivre ensemble, nous allons prendre des élèves dans leurs classes et nous y ajoutons des stagiaires de la police» !
Cette question déclenchera alors un débat dans la foule. À suivre de très près, c’est une indignation partagée par tous. « On se moque de nous. Si je vois mon enfant dans cette mascarade je lui demande de quitter les rangs et de rentrer. Nous n’avons pas besoin d’organiser des marches pour le vivre ensemble au Cameroun, car nous vivons déjà ensemble ; il y a des problèmes plus urgents qui nécessitent des marches, mais vous les interdisez…», pense un autre spectateur de la marche qui s’éloigne petit à petit.
Quelques minutes après, la marche est partie, le vécu quotidien de la place de l’obélisque reprend son cours. Avec en fond cette indignation suscitée par la « marche du vivre ensemble camerounais ».