La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a récemment fait preuve d’audace en abaissant ses taux directeurs, un signal fort de confiance dans le ralentissement de l’inflation dans la zone CEMAC. Cette première baisse en deux ans intervient dans un climat économique tendu, marqué par des prévisions incertaines et des défis structurels persistants.
Une décision stratégique mais risquée
Le 24 mars 2025, la BEAC a abaissé ses taux directeurs à 4,5 % pour le taux d’appel d’offres et 6 % pour le taux de facilité de prêt marginal. Cette décision vise à relancer le crédit à l’économie réelle en incitant les banques commerciales à prêter davantage. Toutefois, elle repose sur des projections optimistes d’un infléchissement durable de l’inflation, estimée à 3,5 % en 2025 grâce aux subventions publiques et à la détente sur les prix internationaux des denrées alimentaires.
Cependant, les effets concrets de cette mesure pourraient rester limités, car cette dynamique de ralentissement des prix s’explique davantage par des facteurs exogènes que par l’efficacité de la politique monétaire de la BEAC.
Des failles structurelles dans la transmission monétaire
La hausse des taux décidée en 2023 n’a pas produit les effets attendus sur le crédit au secteur privé. Les volumes de prêts ont paradoxalement augmenté, tout comme les créances nettes envers les gouvernements, mettant en lumière les limites du mécanisme de transmission de la politique monétaire dans la sous-région.
Les banques ont préféré renforcer leurs marges bénéficiaires en ciblant les grandes entreprises et les États, marginalisant les PME, souvent perçues comme plus risquées. Ce déséquilibre est aggravé par les multiples demandes de dérogations adressées à la COBAC, sous prétexte de soutenir des “entreprises stratégiques”.
Un environnement encore peu propice à la relance
Si la baisse des taux pourrait alléger la charge d’intérêts des emprunteurs et encourager la restructuration de certaines dettes, elle ne suffira pas à corriger les déséquilibres systémiques : faible diversification des prêts, risques de concentration, manque de liquidités structurelles dans certaines banques, et climat politique incertain dans plusieurs pays de la zone.
Conclusion
La décision de la BEAC traduit une volonté de soutenir la croissance en pariant sur un reflux durable de l’inflation. Mais ce pari ne portera ses fruits qu’à condition d’accompagner cette mesure de réformes profondes, notamment en matière de gouvernance bancaire, d’inclusion financière et de consolidation de la stabilité macroéconomique dans la CEMAC.