LA MUSIQUE URBAINE CAMEROUNAISE DEVENUE DE NOS JOURS UNE SONORITÉ VIDE DE MESSAGES

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L’état de la musique urbaine camerounaise d’aujourd’hui est critique. Maintenant c’est tout le monde qui veut chanter à tout rythme et une musique sans messages et perverse. L’artiste oublie que le contenu de sa chanson doit tenir compte du point de vue sociolinguistique puisque son langage embrasse à la fois les idiomes coloniaux et les langues du cru.

La musique urbaine camerounaise ne peut échapper à ce préalable établi, selon lequel toute idée de modernité ou de modernisation, sans son corollaire éthique, n’est que recul. Elle est appelée à connaître des mutations dans les contacts entre les cultures qui se rencontrent parce que venant d’ici et d’ailleurs, dans les langues qui sont les supports des messages portés au public de plus en plus cosmopolite, dans le contenu des textes qui tendent à dépraver les mœurs.

L’humanité, dans son mode de vie et dans le fonctionnement de ses expressions culturelles, doit nécessairement les améliorer pour les rendre opérationnelles et pertinentes selon les générations ou les enjeux.

Les artistes instaurent ainsi une double articulation à examiner : le texte à chanter est une imbrication de plusieurs langues/cultures et le message de ce texte est sujet à critiques tant il se ramène à une certaine tendance, devenue quasi exclusive, au sexe ou à la pornographie.

La musique urbaine camerounaise est à l’image de l’écologie linguistique du Cameroun. C’est un pays qui compte près de 270 unités linguistiques qui partagent le même territoire locutionnel avec 2 langues officielles coloniales : le français et l’anglais. Cela suppose des phénomènes de plurilinguisme, d’alternance codique et de transculturalité auxquels le recours au sexe, dans l’expression textuelle des chanteurs, ne manque pas de s’y associer. Tout cela apparaît comme un mélange riche, exquis, suspect, infect où l’on peut très vite regretter le temps glorieux des classiques de la chanson camerounaise où la langue locale était au centre de la création artistique et où le sexe, à défaut d’être un sujet abordé ou tabou, n’occupait qu’une place accessoire. Son traitement, le cas échéant, se faisait de manière très figurative, évocative et nuancée.

Aujourd’hui, avec les grandes libertés acquises, l’expression musicale du thème sexuel n’a pas fini de surprendre ; tout comme les couleurs variées du langage du chanteur camerounais n’ont pas fini de révéler ce que la rencontre entre langues et cultures peuvent procurer comme richesses à la dynamique des langues.

Depuis une quinzaine d’années, l’univers musical camerounais s’est enrichi de ce qu’on appelle la « New Urban Music ». Cette tendance musicale a propulsé de jeunes femmes et hommes au-devant de la discographie du fait d’un style moderne mais ancré dans le vaste répertoire culturel du Cameroun. Ce fait artistique, loin d’être anodin et exclusivement rythmique, donne à voir un « bouillon de cultures » mais également un espace de la cohabitation linguistique et codique entre langues exogènes et langues du cru.

Les idiomes coloniaux, intégrés dans une sphère dialectale variée, deviennent une source scripturaire pour les textes de la musique urbaine ou locale (bikutsi, makossa ou ben skin). De ce fait, un phénomène intéressant et propice à une analyse scientifique se manifeste chez les artistes avec un naturel déconcertant : celui de la double alternance codique.

 La première, ou alternance codique « externe », se manifeste par la variation des langues officielles (anglais et français) dans la chanson. La deuxième, ou alternance codique « interne », se traduit par l’oscillation des langues locales dans un texte ou une chanson, ou encore la fluctuation du « Broken English » (pidjin), parlé véhiculaire fortement en usage dans  l’univers des jeunes, et les codes locaux.

Les musiques qui peuvent faire l’objet d’analyse sont : le bikutsi, le « new urban music », le makossa, le ben skin, etc. Toutes les expressions musicales camerounaises sont autorisées et les chanteurs camerounais, quelle que soit leur génération, sont concernés.

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