Un rituel politique bien rodé
Le 24 mars 2025, à l’occasion du 40e anniversaire du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), des dizaines de meetings se sont tenus à travers le Cameroun. Le mot d’ordre ? Réaffirmer le soutien au président Paul Biya et l’appeler à se porter candidat à l’élection présidentielle de 2025. Un scénario désormais familier dans le paysage politique camerounais à l’approche des scrutins majeurs.

À 92 ans et après plus de 43 ans au pouvoir, l’ombre de Paul Biya continue de dominer le débat politique national. Mais que traduisent vraiment ces multiples appels ? S’agit-il d’un élan sincère d’adhésion populaire ou d’une stratégie orchestrée pour verrouiller toute alternative ?
Des appels anciens, mais un contexte inédit

L’histoire récente du Cameroun montre que ces appels ne sont pas nouveaux. Déjà en 2005, à peine le mandat de 2004 entamé, les élites du Sud appelaient à une nouvelle candidature. La modification constitutionnelle de 2008, supprimant la limitation des mandats, ouvrait la voie à une longévité présidentielle sans entrave. Depuis, à chaque échéance, les appels se multiplient.
Mais en 2025, le contexte est plus incertain. Le président est âgé, affaibli selon certains, et les spéculations sur sa succession s’intensifient. Entre ambitions personnelles et luttes de clans au sein du RDPC, ces appels à la candidature prennent une nouvelle dimension : celle d’un message politique adressé aux rivaux potentiels.
Une scène politique verrouillée
Les figures à l’origine des appels — ministres, députés, chefs de délégation régionale — ont souvent un intérêt manifeste à maintenir le statu quo. Se positionner ouvertement pour Paul Biya revient à afficher sa loyauté dans un climat où le silence du chef laisse libre cours aux rumeurs.
L’appel lancé à Mokolo par le ministre de la Santé Manaouda Malachie devant des dizaines de milliers de jeunes, tout comme celui de Jacques Fame Ndongo à Ebolowa, illustrent cette mise en scène bien huilée, dans un pays où le débat démocratique reste étroitement encadré. À moins d’un an du scrutin, ces déclarations ressemblent à un balisage du terrain plus qu’à un élan spontané.
Vers un plébiscite déguisé ?
L’absence de limites d’âge ou de mandats dans la Constitution camerounaise favorise la perpétuation de ce système. Pour certains, ces appels sont perçus comme une forme de plébiscite implicite, une manière d’imposer la candidature du président en neutralisant les débats sur l’alternance ou la réforme.
Derrière ces démonstrations d’allégeance, la population camerounaise — confrontée à des conditions de vie difficiles — reste largement en marge des grandes décisions. Les appels à la candidature de Paul Biya se veulent rassurants, mais révèlent surtout un pouvoir qui peine à organiser sa propre succession de manière transparente.