SANTÉ FAMILIALE AU CAMEROUN : “UNE JEUNE FILLE DE 10 ANS ENCEINTE​“ ! PROFESSEUR MBU ROBINSON TIRE LA SONNETTE D’ALARME ET RASSURE EN CE QUI CONCERNE LES METHODES CONTRACEPTIVES MODERNES

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DANS UN ENTRETIEN ACCORDÉ À VOTRE JOURNAL CAMER PRESS AGENCY, LE DIRECTEUR DE LA SANTÉ FAMILIALE AU MINISTÈRE DE LA SANTÉ PUBLIQUE INVITE LES FEMMES À SE PASSER DES PRÉJUGÉS CONTRE LES MÉTHODES CONTRACEPTIVES MODERNES POUR LEUR BIEN-ÊTRE.

Camer Press Agency (CPA) : Bonjour professeur, quel est l’état des lieux de la plannification familiale au Cameroun ?

Pr MBU ROBINSON (DMR) : Actuellement, on trouve toutes les méthodes contraceptives modernes dans toutes les formations sanitaires du Cameroun. Elles sont accessibles pour toutes les femmes et à moindre coût. Le blocus que nous avons cependant c’est la création des demandes. Jusqu’ici, plusieurs personnes ne connaissent pas ces méthodes et d’autres pensent qu’il faut débourser beaucoup d’argent pour s’en procurer. Or, avec 300 Francs cfa, vous avez un injectable SAYANA PRESS (la version améliorée du dépôt prévéra) et avec 100 Francs cfa, vous avez un paquet de 30 préservatifs par exemple. Avec 300 Fcfa vous avez un paquet de pilules qui protège la femme pendant 3 mois et avec 1000 Fcfa vous avez un dispositif intra utérin (DU) qui protège la femme pendant 10 ans.

CPA : Face à cette panoplie de contraceptifs que conseillez-vous aux femmes et aux prestataires ?

PMR : les Stérilets sont conseillés aux femmes mariées en particulier car, elles ont un seul partenaire raison pour laquelle, si vous avez besoin d’une méthode contraceptive moderne, un prestataire bien formé va vous dire ce qui est possible pour vous donc, le stérilet n’est pas à la portée de tout le monde. On ne peut pas placer le stérilet à quelqu’un qui a plusieurs partenaires. Sauf si vous pensez que vous pouvez avoir des relations sexuelles protégées avec des condoms. Mais quand vous faites des rapports sexuels non protégés avec le stérilet, c’est un problème. Le reste des méthodes contraceptives n’ont aucune relation avec le poids ou avec la tension c’est-à-dire l’hypertension, aucune relation avec les maladies. Raison pour laquelle, vous n’avez pas besoin de faire un bilan de santé avant de prendre une méthode, parce que ces méthodes là sont déjà expérimentées, la stabilité et la dégradation sont connues. Ça ne va pas changer la structure moléculaire dans le corps humain.

CPA : Parlons des femmes malades, des femmes qui ont une maladie chronique. Est-ce qu’elles sont également amenées à prendre ces contraceptifs sans faire un bilan de santé ?

PMR : En dehors des autres méthodes, les méthodes hormonales sont soumises à des critères d’éligibilité c’est-à-dire, toutes les femmes ne peuvent pas bénéficier de la méthode hormonale ce qui signifie que, les pilules qu’on prend, les injections qu’on prend ainsi que les implants sont des méthodes à base hormonale. Il y a 4 critères d’éligibilité. Le premier critère c’est qu’il n’y a pas une contre-indication et heureusement au Cameroun, la plupart des femmes sont dans ce premier critère. Le second est que ces méthodes ont un bénéfice qui dépasse la situation où tu te trouves, c’est-à-dire tu es obèse, mais être obèse ne veut pas dire que tu ne peux pas prendre une méthode contraceptive. Donc, cette méthode te protège par rapport à l’anormal. Le troisième critère c’est que la méthode ne peut pas vous bénéficier beaucoup parce que vous avez une maladie comme le diabète ou l’hypertension, une condition défavorable parce qu’elle peut changer à tout moment si vous avez une maladie et êtes placés sous tromboline. Si vous êtes diabétique, les médicaments que vous prenez ne pourront pas permettre l’association d’une méthode hormonale parce que ce sont des choses qui peuvent réagir avec les réactifs qui sont dans les contraceptifs. Et le quatrième critère c’est une contre-indication absolue. Ce qui signifie que vous avez une pathologie où les hormones à travers leurs réactifs peuvent vous créer des problèmes. Si par exemple vous avez un cancer de sein, les capteurs de seins sont des récepteurs qui ont un ingrédient que nous trouvons dans les contraceptifs donc à cette situation là, vous êtes dans le quatrième critère d’inégibilité et vous avez une contre-indication absolue. Si une femme est en face de vous prestataires, si le choix qu’elle veut c’est une méthode contraceptive moderne, elle peut prendre le stérilet, il n’y a pas un critère d’éligibilité tout comme avec le condom. Donc les critères d’éligibilité c’est seulement pour celles qui veulent prendre des injectables. Les critères d’éligibilité s’imposent seulement pour les méthodes hormonales. Oui! Il y’a quelques maladies qui ne permettent pas à certaines femmes de prendre certaines méthodes contraceptives. Si par exemple vous avez l’hépatite, cela signifie que votre foie a un problème et les méthodes contraceptives à base hormonale c’est des ingrédients et des médicaments qui doivent être digérés au niveau du foie, ce qui signifie que vous risquez d’avoir les problèmes si vous les prenez. Chaque client qui n’est pas malade doit avoir quelqu’un qui a été formé et qui peut facilement le renseigner sur le contraceptif qui lui est approprié; raison pour laquelle le personnel soignant ou le prestataire n’a pas le droit de forcer une femme à prendre une méthode. Il faut toujours faire le counseling de groupe et ensuite le counseling individuel. Et c’est pendant le counseling individuel que la femme vous indique ses problèmes de santé personnelle. Soit une opération du sein et vous lui trouver une méthode qui lui sied donc, on ne peut pas généraliser. Les généralités se donnent en groupe pendant le counseling général.

CPA : Quels sont les différents types de méthodes contraceptives que nous avons actuellement au Cameroun ?

PMR : le Dépôt Provera,
• le Microgynon,
• le Microlut,
• l’Implant Jadelle,
• l’Implanon Nxt,
• le Dispositif intra Utérin,
• le Préservatif féminin,
• le Préservatif masculin
• mais aussi et surtout Sayana Press.
Le Sayana Press (ou DMPA SC)

CPA : Un nouveau contraceptif vient de voir le jour au nom de SAYANA PRESS. Quels sont ses avantages et pourquoi cette appellation ?

PMR : Le nom SAYANA PRESS c’est son nom commercial. Son vrai nom c’est DMPA (Acetate de medroxy progestérone) SC (sous cutané), tel est son nom scientifique. Si vous voulez fabriquer un DMPA sous-cutané à Edéa, vous pouvez l’appeler Edéa. Donc, le nom SAYANA PRESS n’est pas magique et son principe actif c’est DMPA qui existait déjà au Cameroun sous le nom Dépôt Provera, et le Dépôt provera est injecté avec une longue aiguille et nécessite l’intervention d’un prestataire. Ce qui n’est pas le cas avec SAYANA PRESS. SAYANA PRESS a une petite aiguille d’un centimètre et la personne qui va en bénéficier peut s’auto administrer le produit. C’est ça la différence entre les injectables standards et le SAYANA PRESS. Il est auto administrable et peut être utilisé par une tierce personne comme on dit au quartier,   “ quelqu’un qui n’est pas allé à l’école’’. Pour celles qui vivent dans des zones enclavées, elles peuvent prendre en stock même pour deux ans et s’injecter tous les trois mois. Elles se mettent ainsi à l’abri des tracasseries routières parce que cette molécule n’est pas dégradable par rapport à la température. Il résiste à toutes les températures. En augmentant donc cette nouvelle méthode, le Cameroun augmente son taux de prévalence contraceptive et réduit significativement le décès des femmes pendant la grossesse.

CPA : pour sortir de cet entretien professeur, quel message adressez vous aux adolescents qui de plus en plus sont sexuellement actifs ?

PMR : Les méthodes contraceptives sont pour tout le monde. De 11 ans à 40 ans et plus on peut prendre SAYANA PRESS, aucune relation avec le poids, ni avec la tension, ni avec des maladies. Vous n’avez pas à faire un bilan de santé, c’est une méthode facile. Ça aide les jeunes parce que nous ne voulons plus des grossesses indésirées mais le préservatif vous donne une double protection. Nous voulons que des jeunes filles aillent à l’école, deviennent des médecins et deviennent des gynécologues et des professeurs comme moi. Ce pays permet à toute personne sans distinction de genre de fréquenter. Que les jeunes filles laissent cette affaire et se concentrent sur leurs études. On ne peut pas empêcher à un enfant le moment venu d’être sexuellement active. Mais le préservatif vous protège à moindre coût et cela ne nécessite pas l’accord d’un parent tout comme Sayana press.

CPA : professeur, vous semblez conseiller aux jeunes la vie sexuelle alors que le parent lui prône l’abstinence ?

PMR : Madame, vous voulez demander à qui de s’abstenir ? Est-ce que vous avez les moyens pour leurs en empêcher ? Si vous les gardez enfermés, c’est ce jour où vous les enverrez payer un bout de pain qu’ils s’exerceront. Les jeunes font l’amour de manière sporadique. Ils n’ont ni de lit, ni de maison et c’est quand vous les commissionnez qu’ils passent à l’acte. Donc, on ne peut pas les surveiller éternellement. Plutôt, c’est préférable de leurs donner des conseils à propos des méthodes contraceptives et si l’acte arrive, les dégâts sont réduits c’est tout ! Depuis qu’on parle de l’abstinence, est-ce qu’on ne voit pas les femmes enceintes ? C’est donc mieux de leurs en parler. Au lieu des grossesses, elles peuvent plutôt vous ramener des maladies sexuellement transmissibles. L’abstinence ne marche pas à tous les coups et ce sont les méthodes contraceptives qui priment. Le Condom oui. Il a une double protection et les protège contre la grossesse et en même temps contre les Infections sexuellement transmissible (IST). Ce que nous voyons à la coordination de la maternité de l’hôpital central, le plus gros de notre pays, est surprenant. Entre les années 2000 et 2005, nous voyions au moins 5 cas des complications des avortements là-bas chaque jour. Aujourd’hui on peut faire trois mois sans voir un cas. Je ne fais pas des devinettes, avant on avait des abdomens distendus avec le pus dedans et quand vous ouvrez, vous voyez une feuille de manioc dans la cavité utérine, on ne voit plus ça. Cela veut dire qu’il y a vraiment un changement par rapport à nous qui vivions tout ça. Les cas d’avortement sont très rares de nos jours alors qu’avant, c’était un problème journalier. Des jeunes filles qui arrivent avec des avortements incomplets, le fœtus penche sur son vagin, parce qu’elle a pris des concoctions et quand elle commence à saigner, elle vient avec des complications. On ne vit plus ça et c’est un moyen de vérifier les complications que nous vivons nous tous. Ce problème nous concerne tous, ce problème de grossesse indésirable n’est pas le problème des médecins ou des journalistes, c’est un problème de tout le monde. On commence par la famille, ce n’est plus un sujet tabou. Dites à l’enfant que l’école est bien et si ses règles commencent, elle est déjà capable d’enfanter alors dialoguez avec elle sans réserve. Récemment mon ministre m’a envoyé une jeune fille de 10 ans enceinte. La maman qui ne connaissait pas l’auteur de cet acte ignoble, est venue voir le ministre. Entre 10 ans et 11 ans, le bassin n’est pas adéquat pour l’accouchement. Je lui ai fait la césarienne. Or, la césarienne commence déjà à réduire les chances d’une femme d’avoir beaucoup d’enfants. Il n’est pas conseillé d’aller au-delà de 4 césariennes.

Entretien mené par Flore KAMGA KENGNE

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