Depuis plus de dix ans, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont lutté ensemble dans l’opposition pour instaurer un nouveau leadership au Sénégal. Aujourd’hui, cette dynamique relation entre le président et son ancien mentor devenu Premier ministre soulève des questions sur la répartition du pouvoir au sommet de l’État. Alors que certains y voient un signe de confiance mutuelle, d’autres y perçoivent une forme de soumission.
Un engagement de longue date
Lors de sa première conférence de presse, le 13 juillet 2024, le président Bassirou Diomaye Faye a exprimé sa fidélité à la cause qu’il partage avec Ousmane Sonko depuis une décennie :
> « Ça fait dix ans maintenant que je lutte pour [qu’Ousmane Sonko] s’installe dans le fauteuil présidentiel. Je n’ai pas abandonné cette lutte et je ne compte pas l’abandonner, soyons clairs. »
Ces paroles, rares pour un dirigeant fraîchement élu, traduisent une relation spéciale entre les deux hommes. Cependant, elles alimentent aussi le débat sur l’équilibre des pouvoirs, surtout depuis la nomination de Sonko comme Premier ministre.
Partage des responsabilités et critiques
Bassirou Diomaye Faye, âgé de 44 ans, a choisi de partager les responsabilités avec Sonko, dont la popularité est intacte malgré ses condamnations judiciaires qui l’ont empêché de se présenter aux élections. Faye encourage Sonko à « regarder le fauteuil présidentiel sans sourciller », ce qui alimente les spéculations sur une possible rivalité entre eux.
Pour les opposants, cette situation est une brèche ouverte. Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yakaar, a déclaré :
> « Le cheval Sonko est devenu le guide du cavalier Diomaye… Qu’il démissionne et organise des élections anticipées ! Si Sonko est élu, au moins la ligne sera clarifiée. »
Le président et son Premier ministre
En tant que chef du gouvernement, Ousmane Sonko est au cœur de l’arène politique, accusant certains médias de fraude fiscale et des juges de corruption. Il prend également des initiatives sur le terrain, comme apaiser les vendeurs ambulants à Colobane, Dakar, après des opérations de déguerpissement.
Malgré cette proximité, des tensions subsistent entre la primature et le palais présidentiel. Un haut fonctionnaire de l’APR note que Sonko conserve une méfiance envers l’appareil d’État, ce qui donne l’impression que le pouvoir réel est à la primature.
Une réforme constitutionnelle en vue ?
Critiques de l’hyperprésidentialisme au Sénégal, Faye et Sonko avaient proposé la création d’un poste de vice-président pour équilibrer le pouvoir exécutif. Bien que cette idée n’ait pas encore été mise en œuvre, Faye a réitéré lors de son entrevue avec la presse :
> « Le président a trop de pouvoir. »
L’opposition dénonce un président fantoche, mais Faye insiste sur la confiance mutuelle qui le lie à Sonko, un partenariat forgé depuis la création de Pastef en 2014 et renforcé par leur incarcération commune.
Défis et perspectives
Si Ousmane Sonko semble dominer psychologiquement, la réalité du pouvoir exécutif reste entre les mains de Bassirou Diomaye Faye. Ce dernier s’est déjà illustré sur la scène diplomatique, en contraste avec les déclarations plus virulentes de Sonko contre la France.
Mamoudou Lamine Sarr, enseignant-chercheur à l’université numérique Cheikh-Hamidou-Kane, observe que Faye utilise la politique étrangère pour asseoir son autorité :
> « Comme Abdoulaye Wade… Bassirou Diomaye Faye utilise la politique étrangère pour se tailler le costume. »
L’avenir de ce tandem dépendra de leur capacité à gérer les défis internes tels que le chômage des jeunes et la vie chère. L’opposition espère imposer une cohabitation après des législatives anticipées, mais Faye reste confiant :
> « Je suis très serein parce que j’ai le meilleur des premiers ministres de l’histoire du Sénégal. »