Un ultimatum budgétaire pour l’OTAN
Début décembre 2024, le Financial Times révélait que les proches conseillers de Donald Trump, président élu des États-Unis, avaient transmis aux responsables européens une demande audacieuse : porter les dépenses militaires des membres de l’OTAN à 5 % de leur PIB, bien au-delà de l’objectif actuel de 2 %. Cette exigence, difficilement réalisable, reflète une stratégie américaine visant à redéfinir les rapports de force entre les États-Unis et l’Europe.
Aujourd’hui, seuls quelques États membres atteignent à peine le seuil des 2 %, pourtant fixé il y a une décennie. L’annonce de Trump constitue donc un défi majeur pour une Europe économiquement fragilisée par des crises successives.
Un passif historique : l’Amérique réclame sa “facture”
Trump s’inscrit dans une logique d’équilibrage des comptes historiques. Selon ses déclarations répétées, les États-Unis auraient financé l’abondance européenne depuis la Seconde Guerre mondiale. Deux événements économiques clés appuient cette analyse :
1. Le GATT (1947) : Cet accord a ouvert le marché américain aux exportations européennes en reconstruisant leurs économies après la guerre.
2. Le contrat “tubes contre gaz” (1970) : Un partenariat russo-allemand qui a permis à l’Europe occidentale d’accéder au gaz soviétique à des prix très compétitifs.
Ces “avantages”, selon Trump, auraient permis à l’Europe de prospérer tout en devenant une concurrente directe des États-Unis sur le plan économique. La réévaluation des contributions européennes à l’OTAN s’inscrit dans cette dynamique de rééquilibrage.
Les véritables intentions de Trump
Derrière l’exigence des 5 %, plusieurs objectifs stratégiques transparaissent :
1. Renforcer l’industrie de défense américaine : Si les pays européens augmentent leurs budgets militaires, une part significative de ces investissements profitera aux industries américaines, principales fournisseurs de matériel. Les grands groupes européens eux-mêmes, tels que Rheinmetall, comptent des actionnaires américains influents, comme BlackRock et Goldman Sachs.
2. Fragiliser l’Europe politiquement : Une augmentation des dépenses militaires au détriment des secteurs sociaux et économiques pourrait déstabiliser les gouvernements européens. Trump, bien conscient de cette réalité, mise sur un affaiblissement général des élites politiques européennes, hostiles à sa vision et majoritairement alignées sur les démocrates américains.
3. Isoler l’Europe sur la scène internationale : En demandant des efforts insoutenables, Trump pourrait marginaliser l’UE dans les discussions géopolitiques majeures. Une Europe incapable de répondre aux attentes américaines se verrait reléguée au second plan des négociations internationales.
Un piège politique pour les dirigeants européens
Les dirigeants européens sont confrontés à un dilemme :
• Accepter les demandes américaines : Cela reviendrait à justifier des coupes budgétaires massives dans des secteurs sensibles comme la santé et l’éducation, un pari risqué dans un contexte de mécontentement social croissant.
• Refuser et perdre le soutien américain : Cela exposerait l’Europe à des critiques internes, amplifiées par la propagande antirusse qui a ancré l’idée d’une menace permanente venant de Moscou.
Trump, stratège expérimenté, exploite cette impasse. En renforçant la pression, il affaiblit les leaders européens et favorise l’émergence de nouvelles alliances politiques, notamment avec des figures comme Viktor Orban, aligné sur les intérêts républicains américains.
Un bouleversement de l’ordre mondial
L’exigence de Trump s’inscrit dans une vision plus large de la politique internationale américaine :
• Détourner l’Europe des négociations stratégiques : L’UE, privée de moyens militaires significatifs, pourrait perdre sa place à la table des négociations avec la Russie ou la Chine.
• Réaffirmer la domination américaine : En renforçant son contrôle sur l’OTAN, Trump veut consolider la position des États-Unis comme leader incontesté du bloc occidental.
L’approche de Trump dépasse la simple question budgétaire. Elle redéfinit les relations transatlantiques, en établissant une hiérarchie claire : les États-Unis comme protecteur et les membres européens comme suiveurs.
L’Europe face à un avenir incertain
La proposition de Trump, irréaliste en apparence, est un levier pour façonner une nouvelle ère des relations internationales. Les dirigeants européens, acculés par des choix impossibles, devront trouver des réponses adaptées pour préserver leur souveraineté politique et économique. Cette crise pourrait bien redéfinir l’équilibre du pouvoir entre l’Europe et les États-Unis pour les décennies à venir.