Yan-marie Mintsa, internet est un moteur de croissance incontournable.

À l’évocation de son nom, aucun camerounais ne se reconnaîtrait. Pourtant le secteur de l’hôtellerie et du tourisme compte désormais sur ce jeune camerounais qui vient de poser ses valises à Douala. À seulement 29 ans, il prend les rênes de Jumia Travel, le leader panafricain du voyage en ligne.

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À l’évocation de son nom, aucun camerounais ne se reconnaîtrait. Pourtant le secteur de l’hôtellerie et du tourisme compte désormais sur ce jeune camerounais qui vient de poser ses valises à Douala. À seulement 29 ans, il prend les rênes de Jumia Travel, le leader panafricain du voyage en ligne.

Yan-marie Mintsa est devenue depuis quelques temps, une personne très courue du milieu des e-affaires, notamment l’hôtellerie en ligne au Cameroun. Ses secrets et son univers; il le partage avec tous, pour une meilleure édification de la jeunesse.

Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le directeur de Jumia Travel Cameroun revient sur son parcours au sein de cette compagnie, il parle également du tourisme et des perspectives pour la CAN de football.

Parlez-nous de vous. Qu’est-ce qu’on peut apprendre sur le personnage Yan-marie?

Il n’est jamais aisé ni même indiqué de parler de soi en public, qui plus est dans les medias. Pour me prêter au jeu, je dirais que je suis quelqu’un de passionné qui prend plaisir à servir l’environnement qui l’a érigé, à défendre une cause. Ma cause pour l’heure en tant que Country Manager de Jumia Travel au Cameroun est de promouvoir le tourisme, d’apporter ma pierre à l’édifice afin que le secteur se porte mieux encore. Qui sait peut-être que la classe moyenne camerounaise passera plus ses vacances dans les sites touristiques camerounais plutôt qu’ailleurs !

Plongeons directement dans le vif du sujet: existe-t-il une réelle économie liée au secteur touristique au Cameroun? Quels sont les arguments qui permettent de le dire?

Sans hésité, je réponds par l’affirmative. Le pays bénéficie d’un potentiel extraordinaire reconnu par l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) mais méconnu de l’opinion publique camerounaise et c’est bien dommage. Les chiffres publiés l’année dernière parlent de plus de 800 sites touristiques enregistrés sur le territoire national avec deux inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco (Tri-national de Sangha et la réserve naturelle du Dja). Le Cameroun c’est également une richesse naturelle et culturelle sans oublier sa diversité ethnique qui n’est plus à démontrer. Sur le plan de l’hôtellerie, nous disposons de plus de 2000 établissements d’hébergements avec 750 référencés sur Jumia Travel, le leader panafricain du voyage en ligne. Sur le plan économique également, on observe une progression constante année après année. En 2016, le tourisme représentait un peu plus de 5,3% du PIB national selon le Banque Mondiale contre 3.1% en 2015. Le secteur emploie près de 3% de la population active. En 2016, le Cameroun franchissait la barre symbolique d’un million de touristes étrangers par an alors qu’il en accueillait à peine 400.000 en 2005. À l’échelle du continent, le Cameroun fait partie de la première moitié des pays les plus compétitifs sur le plan touristique (25ème rang sur 55).Voilà des faits qui laissent croire que ce secteur fait son bout de chemin bien que des pistes d’amélioration demeurent légions.

Comparer à d’autres pays d’Afrique (Kenya etc), le Cameroun est en retard ? Est-ce qu’il y a une raison à cela ?

En premier, il est indiqué de connaître les principaux critères de compétitivité touristique tels que définis par le World Economic Forum à savoir : l’environnement des affaires, compétitivité des prix, la politique touristique, les ressources humaines qualifiées, les ressources naturelles, l’ouverture à l’international, la santé et l’hygiène, la sécurité et sureté. En la matièrele Cameroun n’est que 25ème sur le continent…On pourrait mieux faire ! Le gap à combler s’expliquerait du fait des interminables procédures d’obtention des visas d’entrée au Cameroun, des incommodités douanières (formalités de dédouanement onéreuses), du déficit de capacités hôtelières répondant aux standards internationaux, de l’enclavement des sites touristiques, d’une timide ou tardive promotion de la destination par les pouvoirs publics sans oublier les troubles dans certaines parties du pays. Remarquez que le tourisme en Afrique représente 7.8% du PIB alors qu’au Cameroun il n’est qu’à 5.3%: les pouvoirs publics devraient redoubler d’ardeur pour rattraper le retard notamment en accompagnant les investisseurs privés locaux présents (formation, subvention, transfert de technologie etc.).

Nous avons discuté avec Barro Njamen il y a un an lors de la rédaction de l’hospitality report que votre entreprise produit chaque année. Il nous disait alors que le Cameroun ne tire pas suffisamment profit de ses ressources naturelles et culturelles. Un an après, vous pensez que cela a changé?

Le gouvernement continue de miser sur l’organisation des événements sportifs (la CAN féminine 2016, le championnat Dame de volleyball en 2018 et la tant attendue CAN 2019) et les projets structurants qui contribuent à augmenter les arrivées des touristes étrangers dans le pays. Par contre, au-delà des stades de football, des complexes sportifs, des routes construites et en cours de livraison, les sites touristiques véritables garants d’une croissance pérenne du secteur, demeurent à l’abandon à l’instar de la station d’Elat au Sud Cameroun. Les parcs nationaux du grand Nord qui ramenaient considérablement les devises étrangères sont de moins en moins recommandées à cause de la psychose créée par les exactions terroristes pendant que le taux de fréquentation des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest est au plus bas sous l’effet des soulèvements sécessionnistes. Le Cameroun taxé « d’Afrique en miniature » est tout simplement une destination d’affaires à l’heure actuelle, le poumon économique de la CEMAC alors qu’il a le potentiel pour s’ériger au rang de destination touristique à part entière en Afrique. Nous pourrions tirer exemple des pays tels l’Ile Maurice, le Cap-Vert qui ont su mettre sur pied une politique favorable à l’essor du secteur en améliorant leurs performances en matière de santé, d’hygiène, d’infrastructures et d’ouverture à l’international.

Parlons de l’hôtellerie à présent. Nous sommes à quelques mois de la CAN, un évènement majeur pour notre pays. Ce secteur est-il prêt pour ce moment?

Le président de la CAF, M. Ahmad Ahmad a confirmé que notre pays était prêt à abriter cette compétition sportive, la plus grande organisée par la CAF…Ce n’est pas moi qui vous dirait le contraire ! Vous remarquerez que les établissements d’hébergement poussent comme des champignons dans les différentes villes hôtes des différentes rencontres de football. D’ailleurs, Douala comptera très bientôt son tout premier « 5 étoiles » flambant neuf, ouvert aux différentes délégations; les chaînes hôtelières internationales à l’instar d’Onomo Hôtel s’implantent sereinement, les chaines locales ne sont pas en reste car Djeuga Palace, La Falaise viennent rafraichir notre paysage hôtelier avec des édifices « nouvelles générations ». Il est certes vrai que pour la toute première fois 24 équipes sont attendues à l’occasion d’une CAN au lieu de 16 habituellement, toutefois, il n’en demeure pas moins vrai qu’il y aura suffisamment d’hôtels corrects , respectant les exigences internationales à mesure de les accueillir. La gastronomie camerounaise est assez appréciée des étrangers …Une attention devrait néanmoins être portée sur l’uniformisation du niveau de performance délivré par le personnel de contact des hôtels afin de garantir un service de qualité aux arrivants.

On parle de plus en plus d’e-hôtellerie. Il s’agit de quoi exactement?

C’est ce pan de l’industrie hôtelière qui facilite les échanges entre les établissements d’hébergement ou propriétaire de logement et les clients locaux ou de passage au moyen des TIC (Internet). En l’occurrence, Jumia Travel est une entreprise d’e-hôtellerie dans ce sens qu’elle permet de réserver des hôtels au moyen de son site internet…Bien entendu, Jumia Travel fait bien plus que proposer des hôtels aux consommateurs, il existe depuis plusieurs mois déjà tout un volet billetterie en pleine expansion.

Comment est-ce qu’internet contribue à la croissance donc de ce secteur au Cameroun?

De nos jours, Internet est un moteur de croissance incontournable. Au Cameroun, au moins 6 millions (25%) de personnes utilisent désormais internet selon l’Hospitality Report 2017…En outre, 51% de clients de Jumia Travel recherchaient leur logement via leur téléphone en 2017 … De nombreux sites et page web à l’instar de Jumia Travel, Investir au Cameroun, Cityzeum etc. promeuvent le tourisme depuis plusieurs années à l’échelle nationale comme à l’international (dématérialisation des frontières)… Les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) de plus en plus nombreux redoublent d’imagination pour faciliter l’accès à internet au plus grand nombre…De nombreux hôteliers et opérateurs touristiques digitalisent leurs actions marketing afin de tirer profit du trafic internet grandissant. En somme, internet continue de rapprocher inexorablement touristes et opérateurs touristiques au Cameroun.

La situation que le pays connaît (faible connectivité, etc.) ne contribue-t-elle pas à freiner ce développement?

Alors que l’Espagne qui est le pays le plus compétitif au monde du point du vue touristique selon World Economic Forum a un taux de pénétration internet de près de 68 %, l’Afrique dans son ensemble en est à un taux de 27% et le Cameroun 25ème puissance touristique en Afrique enregistre un taux de 25% seulement. Ce retard freine d’une part, le développement du tourisme de masse à l’intérieur du pays : les camerounais ne perçoivent pas le potentiel touristique de leur pays à savoir les prix et les infrastructures et ne réservent que très faiblement les hôtels. D’autre part, les promoteurs touristiques privés comme publics n’ont pas toujours les outils technologiques nécessaires pour attirer les devises étrangères via un e-marketing de pointe.

Quelle est la contribution qu’une compagnie comme Jumia Travel apporte au développement du tourisme Camerounais?

L’apport de Jumia Travel peut s’apprécier sous plusieurs prismes. Du point de vue marketing, notre entreprise promeut le tourisme au sens large du terme : elle fait découvrir le Cameroun au camerounais via les réseaux sociaux, les moteurs de recherches, son application, son site web etc. tout comme elle œuvre à repositionner le Cameroun en tant que destination de tourisme de loisirs. Sur le plan culturel, Jumia Travel sensibilise les camerounais sur les bienfaits et l’importance du tourisme local pour une nation dans la consolidation de son identité nationale. Le projet Jumia Travel vise à faciliter les flux entre l’offre et la demande touristique à savoir : le mode de paiement électronique, compétitivité des prix, formation des consommateurs et professionnels sur les outils technologiques de pointe de l’e-hôtellerie. Enfin, notre organisation se positionne aujourd’hui comme un acteur majeur du tourisme camerounais au moyen des études régulièrement menées sur le secteur à l’instar de l’Annual Jumia Travel Hospitality Report disponible sur internetmais aussi des cérémonies de récompense organisées régulièrement à savoir le Jumia Travel Awards qui se tient traditionnellement au Pullman Rabingha de Douala.

Vous êtes au Cameroun depuis bientôt 05 ans, avez-vous l’impression que vous avez changé quelque chose?

En effet, cela fait plusieurs années de cela que nous opérons au Cameroun. Il faut bien le reconnaitre les mœurs ont évolué…En 2014 encore, l’immense majorité des hôtels ignoraient le concept de réservation d’hôtels en ligne alors qu’aujourd’hui même les établissements les plus modestes souhaitent rejoindre le site et communiquer des tarifs préférentiels. Côté client, de plus en plus de consommateurs comparent systématiquement les tarifs des réceptions d’hôtels aux nôtres avant de faire leur choix. Les abonnés de Jumia Travel sont de plus en plus friands de bons deals, à la recherche du dernier code de réduction le plus avantageux. Finalement, Jumia Travel en moins de 05 ans a su révolutionner les méthodes de consommations et de commercialisations des produits de l’hébergement et du voyage au Cameroun.

Quelles sont les contraintes auxquelles vous faites face dans votre activité?

Evidemment que Jumia Travel fait face tous les jours à des contraintes à prendre compte notamment l’instabilité du réseau internet au Cameroun, la faible connectivité des hôtels partenaires, le climat de suspicion généralisé lorsqu’il s’agit des flux financiers virtuels (Règlement mobile, carte de crédit virtuelle etc.), les réservations fantaisistes multiples qui engendrent des coûts importants. Par ailleurs, l’essor de notre domaine d’activité est fortement tributaire de la qualité du réseau internet mais aussi de la santé économique et politico-social de notre pays, du tourisme en particulier.

Est- ce qu’il y a espoir de voir le Cameroun côtoyer les plus grandes destinations touristiques au monde? C’est quoi les recettes?

Il faut y croire ! Le Cameroun a un potentiel économique, culturel et touristique considérable ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom « d’Afrique en miniature ». Ainsi, afin de se hisser au rang des pays africains qui comptent en la matière, il est primordial que les procédures d’obtention de visa soient moins contraignantes pour les étrangers susceptibles de ramener des devises importantes, le pays devrait intensifier la construction d’infrastructures hôtelières ainsi que la viabilisation et l’aménagement des circuits touristiques existants, planifier la mise en place d’activités ludiques associables aux sites touristiques (exemple : beach-volley en bordure de mer etc.), communiquer plus activement sur les atouts de la destination Cameroun dans les medias internationaux. Le ministère en charge pourrait davantage accompagner les opérateurs du secteur dans leurs projets (exonérations de charges fiscales, formation subventionnée etc.) et enfin copier les modèles de réussite africain tels que le Rwanda, l’Ile Maurice, Le Cap-Vert etc.

Simon Mbelek

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