CAMEROUN : CULTURE : « CHACUN AVANT DE PORTER LES TISSUS TRADITIONNELS DOIT ETRE BIEN RENSEIGNÉ »

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HERMANN YONGUEU, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION ‘’SAUVONSLENDOP’’ REVIENT SUR LES CONTOURS DE CE CONCEPT NOVATEUR VISANT A REDORER LE BLASON DES TISSUS TRADITIONNELS NDOP ET NSO. IL JETTE UN REGARD SUR LA CONTRIBUTION DE L’AUTORITÉ TRADITIONNELLE DANS CE COMBAT TOUT EN REVENANT EGALEMENT SUR LA DÉCISION DU MINISTRE DES ARTS ET DE LA CULTURE DE CLASSER CES TISSUS AU RANG DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL CAMEROUNAIS.

HERMANN YONGUEU, VOUS ETES A LA TETE DE L’ASSOCIATION DÉNOMMÉE « SAUVONSLENDOP ». LE NDOP, CE TISSU TRADITIONNEL, PROPRE A LA CULTURE GRASSFIELD. QU’EST-CE QUI JUSTIFIE UN TEL CONCEPT ?

Le concept « sauvons le ndop » a été élaboré pour défendre fermement les valeurs de notre tissu traditionnel « Nso » appelé abusivement « Ndop », dont sa réplique est carrément confondu (par les camerounais et pire encore par les communautés qui l’ont pour emblème) à celle du tissu Ukara du Nigéria. Nous voulons à travers cette association, contribuer à une réappropriation (par les jeunes surtout) des valeurs culturelles et identitaires ; participer au développement local, et permettre ainsi aux communautés de vivre de leur savoir-faire ; contribuer à la sauvegarde et à la préservation des savoir-faire des sociétés traditionnelles camerounaises (documentation, proposition des méthodes de transmission intergénérationnelle, sensibilisation etc…) ; mettre en valeur le patrimoine culturel et artistique camerounais à l’échelle nationale et internationale à travers les expositions, les tables rondes, les conférences etc…) et promouvoir les valeurs culturelles et traditionnelles des communautés locales entre autres.

QUELLES SONT LES ACTIVITÉS QUE VOUS ORGANISEZ DANS LE CADRE DE VOTRE ASSOCIATION ?

Dans le cadre de notre association, nos activités ne pouvaient que se limiter à l’élaboration en interne des stratégies permettant d’abord une reconnaissance gouvernementale des tissus Ndop et Nso et ensuite un programme de sensibilisation à travers la mise en œuvre de plusieurs projets à court, moyen et long terme. A côté de cela, nous nous sommes donné la mission d’une sensibilisation digitale à travers notre page Facebook « SAUVONS LE NDOP », qui est un canal adéquat pour toucher notre cible principale qui est la jeunesse camerounaise en générale et Grassfield en particulier.

VOUS VENEZ D’ÉVOQUER CETTE STRATÉGIE QUI VISE A POUSSER LE GOUVERNEMENT A UNE RECONNAISSANCE DE CES TISSUS TRADITIONNELS PROPRE A LA CULTURE DU PEUPLE DU GRASSFIELD. NOUS SAVONS QU’UNE DÉCISION DU MINISTRE DES ARTS ET DE LA CULTURE PRISE RÉCEMMENT CLASSE LE NDOP ET LE NSO AU RANG DES ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL CAMEROUNAIS. COMMENT AVEZ-VOUS ACCUEILLI CETTE DÉCISION ?

Nous avons accueilli cette nouvelle avec une joie immense, non pas parce qu’elle symbolise la fin d’un combat comme beaucoup peuvent l’imaginer, mais parce qu’elle nous donne l’autorisation, voir même l’onction par les ancêtres de commencer notre combat. L’onction et la permission des ancêtres étant accordé (classement du Ndop et Nso comme éléments du patrimoine culturel immatériel national du Cameroun), nous pouvons maintenant mieux nous rapprocher de notre cible à travers plusieurs activités en vue à l’exemple expositions culturelles Ndop et Nso ; Festival Ndop et Nso ; journée porte ouvertes Ndop et Nso dans les lycées et collèges ; conférences et tables rondes Ndop et Nso ; musée Ndop.

QUEL A ÉTÉ LE RÔLE DES AUTORITÉS TRADITIONNELLES CONNUES LES GARDIENS DE NOS TRADITIONS DANS CE COMBAT DONT LE FRUIT SEMBLE ETRE CETTE DÉCISION DU MINISTRE DES ARTS ET DE LA CULTURE QUI CLASSE LE NDOP ET LE NSO COMME ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL NATIONAL DU CAMEROUN?

Au départ nous avons souhaité que ce combat soit l’affaire de toutes les autorités traditionnelles, et soit porté par elles. Mais malheureusement, ce n’était pas une priorité pour leurs activités culturelles, car nous avons saisi plusieurs chefferies de la région de l’Ouest Cameroun et seule celle de Bamendjou à travers son FO’O sa Majesté SOKOUDJOU Jean Rameau a reconnu l’importance et la nécessité urgente de cette initiative.

APRES LE CLASSEMENT DU NDOP ET DU NSO AU RANG DES ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL CAMEROUNAIS PAR LE MINISTRE DES ARTS ET DE LA CULTURE, VERS OU VOULEZ-VOUS ALLER ACTUELLEMENT ?

Après ce classement, nous pouvons dire que nos objectif sont atteints à 30%, parce que le chemin est encore très long. Classé c’est bien, mais la valorisation est mieux. Voyez-vous, le plus important ici est le respect et la valeur qu’individuellement chaque enfant des Grassfield, chaque enfant camerounais accordera à ces tissus.

QUELS SONT LES PARTENAIRES CULTURELS QUI VOUS ACCOMPAGNENT DANS LE CADRE DE VOS ACTIVITÉS SUR LE TERRAIN ET POUR QUEL INTÉRÊT ?

Le FO’O sa Majesté SOKOUDJOU Jean Rameau à travers son association culturelle le Cercle pour la Promotion de la Sagesse et de la Culture (CPC), et un Soldat Ndop (nom que porte tous nos followers actifs de la page SAUVONS LE NDOP) qui a été touché par la nécessité de notre combat et a pris l’engagement de nous soutenir pour le classement de ces tissus.

Dans un contexte marqué par la négligence et la dévalorisation à travers des pratiques peu recommandées de nos us et coutumes, les concepts comme « SAUVONS LE NDOP » sont des concepts à opter et à développer par notre jeunesse, à être encouragé et soutenu d’abord par les élites des communautés Grassfield et ensuite par l’Etat du Cameroun à travers son Ministère des Arts et de la Culture. Car c’est ce type de concepts qui permettront une réelle préservation sans désacralisation du patrimoine culturel et traditionnel que nos ancêtres ont eu le souci de nous léguer intact.

QUELLE PEUT ETRE SELON VOUS LA CONTRIBUTION DES CHEFS TRADITIONNELS POUR UNE UTILISATION SANS DÉPRAVATION DE CES TISSUS TRADITIONNELS QUE SONT LE NDOP ET LE NSO?

Les chefs traditionnels étant les garants et gendarmes de nos us et coutumes, ils ont un rôle très déterminant qui est celui de l’enseignement des bonnes pratiques et interdictions qui entourent l’utilisation de ces tissus. Ils doivent mutualiser leurs efforts dans la reconstitution historique de ces derniers, et penser à un programme bien défini d’éducation et de valorisation de leur communauté.

Mon message à ces autorités est celui du rassemblement, de l’entente que ces derniers doivent prôner. Le Ndop et le Nso ne sont pas une affaire d’un seul village, d’une seule communauté ou même d’une seule région. Ce qui démontre à suffisance que rien ne peut se faire s’ils vont dans des directions différentes. Ils doivent encourager la transmission de confections artisanales des ces tissus, car ce savoir faire se dégrade au fil du temps, et si çà continu, il disparaîtra. Ils doivent laisser leurs chapelles politiques quand il s’agit de la recherche des solutions sur la préservation et la réappropriation culturelle. Ce qui est sûre, les idéologies politiques changeront avec le temps, mais nos us et coutumes doivent garder leur caractère sacré.

POUR CONCLURE, QUEL MESSAGE DE SENSIBILISATION POUVEZ-VOUS PASSER AU PEUPLE GRASSFIELD VERS QUI VOUS ETES DÉSORMAIS TOURNÉ POUR UNE BONNE UTILISATION DE CES TISSU ?

Nous voulons leur dire qu’on ne condamne personne. Nous attirons juste leur attention. Si aujourd’hui ce peuple fait des confusions dans certaines pratiques culturelles, ce n’est que le résultat d’un relâchement de leurs chefs de communautés qui valorisent sans le savoir les idéologies et les cultures des autres. Donc, ce peuple doit savoir qu’il n’y a aucune honte de valoriser sa culture. Il n’y a pas d’âge pour apprendre ses rites et traditions. Chacun avant de porter ces tissus doit être bien renseigné, pour être sûre de ne pas enfreindre aux interdictions.

Propos recueillis par Armel Djiogue

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