Alors que l’on cherche à ressouder le vivre-ensemble par tous les moyens, il n’est pas utopique de se demander si ce qui nous lie, nous soude, nous rapproche n’est pas ce qu’il convient d’appeler culture.
Au-delà des définitions plurielles, il faut bien le constater, la culture est ensevelie dans un labyrinthe et joue les parents pauvres dans une société trop mercantilisée où règne la loi de PIB et la dictature de la rentabilité.
Dans une vision économico-centriste, la création culturelle peut devenir une marchandise à valeur ajoutée. À l’inverse d’un sac de cacao et d’un coffret de bijoux, elle constitue un investissement durable.
Ce constat part du postulat que la culture serait un instrument d’émancipation. Et dresse quelques analyses qui devraient intéresser tous les acteurs de cet univers qui a parfois tort, où la contrainte de vivre en autarcie.
Doit-on faire des incantations ou lire dans une boule de cristal pour apporter une réponse à la question: c’est quoi la culture?
Les intellectuels s’y sont essayés et de leurs analyses prospectives, la culture serait une somme des connaissances d’un peuple, incluant ses traditions, son folklore, sa création artistique, sa langue, sa musique, sa religion, le cas échéant…. Or, l’usage du mot “culture” aujourd’hui renvoie à d’autre signifiés. Elle s’impose comme un contre-pouvoir face à l’économie dominante. Dès lors elle gène. Il impose donc, pour le modèle dominant, de la discréditer comme elle discrédite tout adversaire potentiel : appareil étatique, concurrent, syndicat….
C’est que la culture porte en elle un formidable pouvoir de séduction. Incontrôlable, elle permet au peuple de réfléchir, d’envisager les réalités sous un angle libéré, de remettre en question les doxas économistes.
Il n’est dès lors étonnant que dans les médias, la culture occupe le siège peu envié du parent pauvre aux informations télévisées, elle arrive comme un pensum en fin de programme, et la brièveté des espaces qui lui sont consacrés oblige les journalistes à se limiter à la culture masse intéressante, potentiellement le public le large.
Dans les journaux, la culture se trouve aussi renvoyée dans les dernières pages, où elle cède une large place à la télévision, ses programmes et ses starlettes.
“Les émissions culturelles” sont de véritables ghettos, des espaces alors consacré à ce sujet fétide, car il faut bien en faire, de la culture, mais surtout, ne pas ennuyer le public avec ça aux heures de grande écoute. La culture, c’est pour les insomniaques et les pensionnés. Il ne viendrait à l’idée d’aucun programmateur de se dire, par exemple, que la culture, c’est l’essence même de ce qui fonde notre civilisation et qu’à ce titre, elle devrait être omniprésente dans l’ensemble des programmes d’une chaîne.
Il est de bon ton de se moquer de la culture et de ceux qui la font, comme on se moque des communistes, des supporters de… ou des écologistes. Certes, on peut glorifier les artistes populaires, peintres célèbres, écrivains gon courtisés, chanteur du top 50, et encore qu’ils puissent compter sur les services d’une attachée de presse. Pour les autres, c’est le goulag des émissions de nuit. Et estimez-vous heureux ! Reste le réseau où se créent les avant-gardes. Où la création se débride. Où l’on a rien à perdre et donc tout à gagner à se démarquer autant que possible des modèles imposés. Ainsi s’impose aujourd’hui le Streets art, cette libre expression qui, sortie des caves et des cavernes envahit les murs laids de nos cités grisâtres d’images sans fard qui choquent le bourgeois.
Qu’est-ce qu’une société qui néglige sa culture? C’est une société qui renonce à ses particularités et à son caractère. À cet égard, on doit constater l’absence presque absolue de la culture à l’école. Comme si ce n’était pas important, et, en tout cas, moins important que la géographie et les équations à plusieurs inconnues.
“Combien de million”? Voilà la culture que l’on enseigne.
Honte à nous qui laissons notre culture, le sang de notre peuple, se déliter, se diluer dans l’eau saumâtre de la sous-culture.
“La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié” a su dire Edouard Herriot. Si on oublie la culture, il ne restera bientôt plus rien.
Il faut dire en creux qu’une politique culturelle éclairée est de nature à servir l’éducation, le savoir, la transmission, la mémoire et la création, toute chose essentielle pour tisser les biens entre les hommes et les femmes, pour dessiner des mémoires partagées et des imaginaires multiformes, mais communs : une langue, des rituels, des traditions, une relation au monde et aux humains, des récits, des formes dessinées, gravées ou peinte, des musiques et des danses.